Joana Vasconcelos Versailles 19.06.2012 - 30.09.2012
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Catherine Pégard, Présidente de l'Etablissement Public du Château, du Musée et du Domaine National de Versailles

Jean-François Chougnet, Commissaire de l'exposition

Joana Vasconcelos

Jean-François Chougnet
Commissaire de l'exposition

La démarche de l’artiste portugaise Joana Vasconcelos, née en 1971 à Paris, s’inscrit dans la réappropriation d’objets du quotidien qu’elle s’ingénie à transformer à l’aide de techniques inventives et inattendues. Ces chocs, ces déplacements produisent des oeuvres hybrides tantôt réalisées avec des azulejos, du crochet – ce mot français approprié et amplifié par la pratique des femmes portugaises – eles sont cousues, soudées, dorées… En un mot, l’objet d’une métamorphose.

Joana Vasconcelos cherche en effet à créer un dialogue entre culture et histoire personnelle, tout en interrogeant le concept du beau, sans tomber dans les travers du Kitsch et sans revendiquer un Néo-Dadaïsme. Pour éviter ces pièges, elle recourt à une arme redoutable : l’humour. Critique, et parfois même cynique, ce dernier lui sert à rendre clair et plaisant le discours autour de l’oeuvre.

Joana Vasconcelos part des clichés traditionnels de son pays et les revisite, à la fois avec cet humour, mais aussi, de manière sous-jacente, avec un regard amusé un peu triste, un peu inquiétant parfois, un peu désabusé, et très moderne. Profondément ancrée dans la culture portugaise, elle touche pourtant un langage perceptible par tous. On serait évidemment tenté d’y surajouter un autre cliché portugais, souvent cité, jamais vraiment compris, la Saudade. Beaucoup de ses oeuvres sont empreintes d’une sensualité féminine chaleureuse. Une revendication féminine, sans dogmatisme, y est présente, mais traitée sur un mode plus ironique que militant.

Aucune provocation gratuite dans cette oeuvre, ainsi la « Noiva », la Mariée – qui l’a fait connaître à la Biennale de Venise – ce grand lustre composé de tampons hygiéniques, proclamant la féminité, le « péché originel » à la face du monde.

Et Versailles là-dedans ? L’oeuvre de Joana Vasconcelos ne peut qu’entrer en résonnance avec cette dualité à la base du projet Versailles, cette ambivalence entre le classique et le baroque, qu’explicitait Louis Marin. Versailles serait le résultat d’une production, d’une construction à la fois réelle, symbolique et imaginaire. « Imaginaire : il révèle le désir « baroque », fantastique, fantasmatique de (se) montrer l’absolu pouvoir ». Curieux raccourci de l’histoire si l’on se remémore que le terme « baroque » vient du portugais « barroco » qui désignait une perle de forme irrégulière.

Versailles par Vasconcelos, c’est aussi une série de Valquirias (la forme lusophone pour Walkyries) dans la Galerie des Batailles, pièce centrale du musée dédié « A toutes les gloires de la France » par le roi Louis-Philippe, ce que Delacroix, qui y réalisa la Bataille de Taillebourg, qualifiait de « bizarres galeries ».

Le parcours des Grands appartements sera l’écrin des productions amusées et ironiques de l’artiste, première femme artiste à être conviée par le Château.